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Vidéo v.2

Cérémonie des promotions

2017

Genève - 13.09.2017 - 20h30

PALMARÈS AEAA POUR LA VOLÉE 2017 (CÉRÉMONIE DU 13 SEPTEMBRE 2017)

PRIX « MATURITÉ » (pour les élèves ayant suivi le cursus gymnasial de la propédeutique à la maturité sans interruption et sans redoublement) :

Mme CHAUVET Sandy

M. DE KAENEL Sylvain

Mme DE MONTENACH Ambre-Eunice

Mme DEFOREL Juliana

M. EPINEY Guillaume

Mme ROSSIER Carole

Mme SCHAMBACHER Dylia

Mme THIBAULT Karine

 

PRIX « DUBS » (a priori un élève par groupe, selon décision du conseil de promotion) :

Mme Deborah GUILLAUME

Mme Clémentine GILLIÉRON

M. Dylan MÜLLER

M. Jérémy SCHMID

M. Leonel Matias FERRO

 

PRIX SPÉCIAL « SOUVENIR DU 55e » 

Chaque lauréat a reçu une clé USB gravée aux noms du COPAD et de l’AEAA

Texte du témoignage de M. Martin CUENOD

Elève du Collège du Soir 1976 - 1978

​

Monsieur le Directeur, chères et chers collègues, et surtout chères lauréates et chers lauréats.

 

L’on m’a demandé, selon la tradition, d’évoquer quelques étapes de mon parcours de formation qui m’a amené au Collège pour adultes, appelé alors Collège du soir. J’ai suivi les cours de cette institution durant les années 1976-1978, année de l’obtention de ma maturité. Autant vous dire que je vous parle d’un temps que les moins de quarante ans ne peuvent pas connaître !

Enfant des trente glorieuses, j’ai vécu le plein emploi. Je pouvais tôt le matin téléphoner à une agence de travail temporaire et dans l’heure être envoyé sur un chantier ou dans une institution pour un salaire de 17.-frs de l’heure. Deux jours de travail me suffisaient à vivre confortablement durant une dizaine de jours. Ma chambre coûtait 170.-frs par mois, la prime mensuelle de l’assurance maladie s’élevait à 40.-frs., bref nos charges n’étaient en rien comparables avec celles que nous connaissons aujourd’hui. Le vélo restait dans la rue, sans cadenas, il n’y avait pas de codes d’entrée aux portes des immeubles, les finances des états permettaient une réelle redistribution des richesses. C’est dans ce contexte particulièrement favorable que j’ai grandi.

Et pourtant la jeunesse, comme les ouvriers n’étaient pas satisfaits. Nous n’avions aucun droit à donner notre avis, à participer à la marche des entreprises, bref à la participation. Les pupitres des professeurs étaient surélevés dans les salles de classe, l’élève se tenait debout à côté des pupitres attendant de recevoir l’autorisation professorale de s’asseoir, les cours étaient donnés sans interaction et ressemblaient très souvent à un gavage. Le couvercle autoritaire de l’époque ne pouvait que sauter. C’est ainsi que je me suis trouvé à 16 ans engagé dans le grand mouvement de contestation de mai 68, dont l’écho à Genève, eut lieu dans les années 70, au moment même où eût lieu le premier choc pétrolier, dont les répliques allaient sonner le glas de l’énergie bon marché et fragiliser ainsi les économies occidentales. Ne pouvant supporter le carcan scolaire du collège Calvin où je suivais péniblement les cours, j’ai décidé de rompre avec toute forme d’obéissance scolaire pour me retrouver sur les routes du monde.

Si je me permets d’évoquer ainsi mon parcours de vie ce n’est pas par coquetterie personnelle, c’est parce qu’il était assez caractéristique de bon nombre de jeunes de cette époque. Cette large boucle de 6 ans au cours de laquelle j’ai non seulement voyagé (aux Indes et au Mexique), mais également, fait du théâtre, accompli une saison de vacher d’alpage, m’a permis de réaliser plusieurs choses :

 

  • Si la vie marginale avait du bon, permettait une vie plus libre et autonome, elle avait également ses contraintes : dans le nouveau contexte économique il devenait toujours plus difficile de trouver dans l’heure un travail correctement rémunéré.

 

  • Sur le plan plus personnel je commençais à souffrir dans mon univers toujours plus isolé. Si j’avais revendiqué le besoin d’apprendre par moi-même, hors de toute autorité scolaire, je vivais mon autodidactisme comme une prison et éprouvais de plus en plus souvent le besoin d’apprendre de et par l’autre.

 

  • Et je souhaitais me construire une place dans la société que j’avais si violemment critiquée afin de me rendre utile non pas tant à cette dernière qu’à toutes celles et ceux qui chercheraient à s’intégrer sans renoncer à leur sens critique.

 

C’est ainsi qu’au retour d’un voyage je décidai de reprendre des études gymnasiales. A Genève, grâce au conseiller d’état, André Chavanne, il existait depuis une quinzaine d’années déjà le Collège du soir. On ne dira jamais assez tout ce que cette figure  politique de gauche a apporté à Genève : la création du cycle d’orientation et tout ce que cette institution révolutionnait dans le domaine de l’égalité des chance, la mixité scolaire au collège, et le Collège du soir, pour ne citer que les plus importantes. André Chavanne avait compris que l’ancien système scolaire avait marginalisé des étudiantes et étudiants qui avaient pourtant largement les capacités d’obtenir une formation gymnasiale. Il y avait là pour lui un gâchis pour cette société à se priver de ces compétences potentielles. Le Collège du soir corrigeait cet état de fait, tout comme il permettait à celles et ceux qui dans les entreprises comme dans les institutions étatiques étaient freinés, voire bloqués, dans l’évolution de leur carrière professionnelle par l’absence d’un diplôme de maturité.

 

Retrouver les bancs de l’école fut donc pour moi une véritable aubaine. Retravailler des textes que j’avais rejeté à l’époque une véritable découverte : avec Salambô de Flaubert j’étais comme au cinéma, avec Les rêveries d’un promeneur solitaire de Rousseau je faisais la paix avec moi-même. Apprendre à écrire avec rigueur et cohérence, intégrer toutes les formes du raisonnement mathématique, remettre de l’ordre dans les grandes périodes historiques, et les équilibres planétaires, ont été pour moi une vraie période de réconciliation. Je ne remercierai jamais assez mes professeurs de la qualité de leur préparation, de leur engagement, de leur patience et de leur attention bienveillante. Bien au-delà de la nouvelle porte universitaire qui s’ouvrait alors devant moi le Collège du soir m’avait permis de reprendre le fil de ma vie afin de pouvoir construire de manière autonome une existence au sein de cette société que j’avais si fortement critiquée.

Et si le parcours universitaire qui suivit fut tout sauf facile, il m’a donné accès à l’un des plus beaux métiers du monde : l’enseignement.

 

C’est la raison pour laquelle je ne pouvais pas ne pas lui rendre un peu de ce que cette institution m’avais donné en enseignant, en fin de carrière, quelques années en ses murs.

J’ai pu alors constater que si beaucoup de choses avaient changé, que si la population scolaire, comme reflet de la population genevoise, était très différente de celle que j’avais côtoyée en son temps, l’objectif restait le même : donner la possibilité à toutes celles et ceux qui le souhaitent de reprendre un parcours gymnasial et de s’ouvrir ainsi les portes d’un parcours universitaire.

 

Il me reste à vous féliciter très chaleureusement pour l’obtention de votre diplôme et vous souhaiter à toutes et à tous de faire fructifier les graines que vous avez ainsi reçues jusqu’à leur pleine maturité.

 

Je vous remercie de votre attention.

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